Rencontre professionnelle Juin 2023

Sophrologie et Burn-out

Ce thème de discussion entre professionnels (elles) a réuni 28 sophrologues dont Nathalie Malardeau Gauzentes et Jean-Pascal Cabrera, membres du conseil d’administration de la SFS et animateurs de cette rencontre en ligne, ainsi que Corinne Goffaux-Dogniez régulièrement rapporteuse des discussions.

Il est à souligner l’étendue géographique dans la participation de personnes venant de régions comme Toulouse, Strasbourg, Rennes, Paris et bien au-delà encore avec La Réunion, la Martinique, les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse…

L’ensemble des participants était autant constitué de personnes jeunes et/ou débutantes que de personnes plus expérimentées.

Le groupe comptait également des personnes ayant connu le burn-out parce qu’elles en avaient été atteintes. Ces différentes approches du thème du jour ont constitué au fil des 3 heures passées ensemble un paysage vivantiel partagé, riche par la variété des regards et des postures prises pour considérer le burn-out, et centré sur le ressenti. Le groupe a été du début à la fin dans une harmonie dynamique très conviviale.

Le groupe s’est réparti en 2 sous-groupes pour permettre des temps d’expression et d’échanges plus « confortables ».

synthèse de la table-ronde

Animateurs
Jean-Pascal Cabrera
Nathalie Malardeau-Gauzentes
Rapporteure
Corinne Goffaux-Dogniez

Document

La synthèse publiée sur cette page est un résumé des échanges très riches de cette rencontre professionnelle.

Un document PDF en donne une version complète.

 

Introduction aux discussions

À propos de ce sujet actuel et courant dans les cabinets de sophrologues, un rappel de la définition de ce terme anglo-saxon : syndrome d’épuisement professionnel.

L’entité nosologique du syndrome du « burn-out » se définit comme un épuisement émotionnel, physique et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeant. Sa reconnaissance existe depuis les années 1990 et concerne surtout le milieu professionnel.

Cette notion a été étendue par similitude à la maternité (entre le 4° jour post-partum et les 9 mois suivant la naissance) ou la parentalité (burn-out parental qui se situe chronologiquement après l’époque du burn-out maternel).

Il a été cité le cas particulier du burn-out des parents d’enfants « dys » ou d’enfants autistes. Des analogies sont possibles avec des tableaux cliniques rencontrés chez les enfants sur-sollicités, les personnes âgées en grand stress, les étudiants.

Dans ce burn-out, la personne, après avoir passé les signaux (physiques ou émotionnels) d’alarme, dépasse la période de résistance (« je vais y arriver, ça ne peut pas m’arriver, je ne peux pas m’arrêter…), pour arriver à une rupture (corporelle, et/ou émotionnelle et/ou psychique) un effondrement, l’épuisement.

Ce syndrome est également associé à d’autres formes liées au contexte professionnel :

  • Le « bore-out » : c’est un épuisement professionnel dû à l’ennui et au manque d’activité.
  • Le « blur-out » : c’est un épuisement professionnel dû à un mélange vie professionnelle / vie personnelle.
  • Le « brown-out » : c’est un épuisement professionnel dû à la perte de sens du travail.

Plusieurs phases dans la prise en charge par la sophrologie :

1. Une phase d’accueil du burn-out en cabinet ou en structure médicale

L’accompagnement du burn-out est souvent associé à une approche pluridisciplinaire : médecins, psychiatres, orthophonistes, équipe hospitalière quand la prise en charge nécessite une hospitalisation.

Le (la) sophrologue s’intègre dans cette dynamique, les séances faisant partie du processus de rétablissement.

L’autorité médicale est seule habilitée à poser le diagnostic de burn-out ; cela n’empêche pas le (la) sophrologue d’orienter une personne vers la médecine lorsqu’elle repère des éléments significatifs de ce syndrome.

Si la prise en charge médicale est obligatoire, la démarche thérapeutique montre les bienfaits d’un accompagnement complémentaire par la sophrologie ou la psychothérapie dans cette collaboration « transversale » entre les différents corps médicaux et paramédicaux.

L’intérêt de la sophrologie repose sur la dimension psychocorporelle dans cette démarche thérapeutique non médicamenteuse.

puzzle one line - SFS - Société de Sophrologie FrançaiseConsidérer ce qui en constitue la causalité propre à chaque personne atteinte revient souvent à se placer d’un point de vue bio-psycho-social.

C’est notamment pour cette raison, mais aussi parce que la personne a besoin de se reconnecter à son ressenti que l’intervention sophrologique est particulièrement indiquée dans ce syndrome.

2 questionnaires ont été évoqués pour inspirer cette orientation :

  • Le MBI (Maslach Burnout Inventory) ciblant précisément le burn-out en lien avec le travail.
  • Le HADS (Hospital Anxiety Depression Scale) ciblant plutôt l’état dépressif ou anxieux d’une façon générale.

La personne en burn-out peut se rendre chez un (e) sophrologue aux différentes étapes du processus de rétablissement, de sa propre initiative ou sur les recommandations d’un médecin généraliste ou du travail mais, du fait de ce burn-out, la démarche consistant à solliciter une aide n’est pas si facile ; le simple fait de sortir du lit est trop douloureux voire impossible.

La personne est comme à terre, effondrée ; le « travail » sera de se relever.

2. Une phase d’identification du burn-out

La sophrologie permet le passage de « l’inconscience » de la situation à « sa conscience » et son ressenti, son vécu.

Ce passage s’opère selon 2 directions :

  • L’une, d’une couleur somatique : le corps souffre et le manifeste par des symptômes variés.

On peut citer une extrême fatigue, des douleurs et raideurs pouvant être présentes partout dans le corps, des maux de tête, une augmentation de la tension artérielle, etc…

  • L’autre, d’une couleur psychique : le mental passe par différents stades selon les personnes, avec ou sans émotions associées.

On peut citer l’anxiété, la tristesse, l’irritabilité, l’absence de réaction, la culpabilité, le sentiment d’incompétence, une concentration ou une mémoire défaillante, etc…

La culpabilité peut avoir un lien avec la recherche de « l’idéal du moi » et cacher un véritable sentiment d’échec de type dépressif (ne pas avoir été à la hauteur dans le travail, par rapport aux valeurs que l’on porte en soi). Une écoute attentive en livrera la présence.

Les personnes en burn-out ont essayé de s’adapter à un milieu de travail souvent dénué d’empathie.

Cette empathie manquante au travail s’exprime alors au cabinet du (de la) sophrologue, ce qui procure de la reconnaissance, dans un premier temps, puis de l’épuisement dans cette reconstruction progressive.

Ces personnes sont en (grande) perte d’énergie : il est important d’en tenir compte dans la densité du programme des séances, l’intensité des exercices, et d’être à l’écoute de leur retour par exemple en cas d’évaluation incomplète des attentes du (de la) sophrologue.

Cette identification consiste pour la personne à pouvoir cibler, nommer les phénomènes qui se produisent en elle ; la formalisation par l’expression des faits, des ressentis et des pensées contribue à cette identification.

Au cours de cette phase, on se rend compte de la présence de facteurs amplifiants. Ces facteurs amplifiants peuvent relever de l’environnement : la nature du travail, l’organisation, la hiérarchie, les collègues, le contexte, etc…

Ils peuvent également avoir une origine endogène comme, par exemple, la culpabilité qui elle-même renvoie à l’estime de soi, la confiance, et donc l’histoire, le vécu psychique antérieur de la personne.

C’est ainsi que le harcèlement au travail (et en dehors du travail) va s’associer à l’émergence du burn-out.

3. Une phase d’acceptation du burn-out

Cette phase sollicite la résilience.

Lorsque la personne parle de « son burn-out », la phase précédente de l’identification marque le passage à une phase d’acceptation. Cette acceptation est souvent confondue avec la résignation.

Il arrive que la personne ne comprenne pas ce qui lui arrive ; elle n’établit pas le lien entre cette affection qui la touche et sa relation au travail ; elle est en quelque sorte dans un déni, une sorte de mécanisme de défense, une autoprotection. Il peut même arriver que le (la) client (e) éprouve de la culpabilité, une difficulté de se sentir, de se percevoir lui (elle)-même.

Il semble préférable de laisser la personne évoluer à son rythme pour réévaluer sa situation.

Le « oui » d’acceptation marque l’installation de la résilience pour passer à autre chose et ne pas rester bloqué sur un « non » (« j’aurais tant aimé ne pas vivre ce burn-out » !).

Cette étape est une forme de détachement sur le chemin de la « sortie » de burn-out qui préfigure l’étape suivante.

Reflexion one line - SFS - Société de Sophrologie Française
4. Une phase de défusion

Il s’y opère une transformation, une remise en question, qui peut ainsi, à long terme, amener à comprendre que cet épisode douloureux voire traumatisant au départ était finalement salutaire.

Il y a des « nouvelles vies » après un burn-out qui permettent d’embrasser de nouvelles opportunités et où la réussite est possible.

La sophrologie aide la personne à reprendre le sens de soi et de ses limites.

Le (la) sophrologue sera empathique, ouvert (e) et bienveillant (e), mais jamais dans l’exigence (sinon, il (elle) risquerait d’alimenter lui (elle)-même la dynamique responsable du burn-out !).

Dans cette phase, la personne ne se ressent plus comme une entité sombre où tout n’est que vide ou noirceur, où elle assimile son existence du moment à un tout indiscernable de mal-être ou de vide.

Elle arrive à prendre de la hauteur, du recul, ou faire un pas de côté, selon les cas, pour considérer qu’elle n’est pas cette noirceur ; elle est cet être rempli de vie intérieure qui observe le fonctionnement de ce burn-out et elle n’est pas cette chose » inextricable.

Il y a là une forme de réappropriation de l’être originel intérieur, une forme de dissociation entre la personne et la situation qu’elle vit.

Si tout au long de ces phases, la sophrologie peut être présente, les vécus rapportés par les sophrologues illustrent concrètement cet accompagnement :

  • La RD 1 est la pratique qui semble la plus indiquée pour opérer cette réconciliation de la personne avec elle-même, par la réappropriation du corps dans l’ici et maintenant. Tout ce qui va permettre au corps de se ressentir, de reprendre une place centrale sera bénéfique pour consolider la conscience de soi. C’est un retour à l’ancrage.

Elle est privilégiée dans les premières étapes de cette prise en charge.

  • La RD 2 est la pratique qui favorise la défusion par le regard extérieur à soi que peut porter la personne sur elle-même.

Elle fera suite à l’intégration des premières étapes.

5. Une phase de « reconstruction »

Après un temps de cheminement, ces très belles notions de sens des responsabilités réapparaîtront dans le travail sophrologique, mises à nouveau à l’honneur dans des exercices portant sur les valeurs.

Cette phase passe par le retour à des petits plaisirs immédiats, par l’importance accrue de prendre soin de soi, ne plus se « négliger », ne pas « s’oublier ».

Mais pour conserver du sens aux séances, il est important de relier ces petits plaisirs immédiats à leur utilité pour le futur et donc d’inscrire une stratégie simultanée à 2 vitesses :

  • Prendre plaisir à pratiquer, à se pratiquer, à vivre le moment présent intensément.
  • Élaborer un projet d’évolution future.

Tout l’art du (de la) sophrologue est de concilier ces 2 vitesses en privilégiant, selon le moment opportun ressenti, l’une ou l’autre de ces vitesses.

Il peut arriver que pour favoriser l’émergence d’une satisfaction future, il faille passer par le report du plaisir immédiat : c’est un peu la définition de la persévérance, à ne pas confondre avec l’obstination.

Il est important d’être attentif à la réapparition de la confiance en soi et de l’estime de soi.

6. Une phase de consolidation, de prévention

Remarque : La personne en burn-out a subi des pressions professionnelles ; il se pourrait bien, qu’inconsciemment, son (sa) sophrologue se sente lui (elle) aussi sous pression. Il est important d’être conscient de ce qui se passe dans la relation avec le client afin d’être avant tout thérapeute.

Il est possible de travailler en individuel avec les clients ou trouver judicieux de les amener en groupe à un moment donné, pour une raison spécifique. C’est toujours à voir au cas par cas, selon la personnalité du (de la) client (e) et son évolution.

La sophrologie, par sa pratique, permet à la personne de se reposer, se relaxer, prendre conscience, pouvoir petit à petit reprendre sa verticalité.

Souvent, la prise de conscience permettra de s’organiser AUTREMENT, le « système d’avant » ne fonctionnant plus.

RD1, RD2, RD3, relaxation, visualisations sont des outils forts qui s’avèrent le plus souvent très appropriés.

La personne intègre peu à peu des outils qu’elle pourra utiliser au quotidien comme support. L’aspect de la globalité de l’être que propose la sophrologie est fondamental, la pratique agissant en même temps sur l’aspect physique, émotionnel, psychique et existentiel.

Sophrologie en entreprise

La loi Santé au Travail de 2021 demande justement aux entreprises une attention particulière au bien-être au travail.

La politique actuelle en matière de santé conduit à des besoins d’évaluation. Cette nouvelle loi exige un travail préventif d’évaluation des risques psycho-sociaux (RPS) au niveau individuel et au niveau de l’entreprise (DUER, DUERP).

Le texte de cette loi est très récent (élaboration progressive entre 2010 et actuellement), et partir de ce texte pour en capter l’état d’esprit et les points-clés aide les personnes concernées, les sophrologues aussi, (en préventif et en curatif) à se recentrer dans les critères actuels en matière de santé.

Ampioule one line - SFS - Société de Sophrologie FrançaiseDe manière générale, la sophrologie a parfois du mal à s’insérer dans les entreprises, celles-ci semblent être assez réfractaires à notre démarche.

Par contre, les services, les cabinets d’avocats, les notaires sont assez ouverts à un partenariat.

En médecine du travail, les mentalités changent parce que les réponses médicales s’avèrent fréquemment insuffisantes pour aider les personnes en burn-out. Cela peut présenter une opportunité pour les sophrologues.

Des témoignages lors du webinaire ont rapporté, à ce propos, des situations concrètes de ce type de collaboration :

  • Une sophrologue qui propose une visio en direct lui permettant de « se rendre » au cœur de l’entreprise pour y animer un groupe prédéfini dans lequel un travail de base est proposé (RDC, comment faire une « vraie » pause efficace, ancrage, respiration, « petites » visualisations… ).
  • Une formation continue en CHU qui comprend un cycle de 10 séances de sophrologie.
  • Une participante évoque aussi une proposition qu’elle a déclinée (il faut savoir dire « non »): la demande était trop de l’ordre du « bien-être ».

Ce dernier point a suscité dans le groupe un renforcement : le critère-clé de la négociation de ce type de demande avec l’entreprise serait-il :

  • Si la demande est dans le bien-être (suspect, voir si on peut préciser ce point).
  • Si la demande est liée à une véritable préoccupation liée à la qualité de vie au travail (cela semble plus prometteur).

Consolidation et prévention vont donc de pair sur le positionnement de la personne dans son rapport au travail, dans la juste place qu’elle prend, dans son rapport rôle / statut, dans le tissu relationnel professionnel et personnel ; la liste est très longue puisqu’elle énumère tous les ingrédients qui rentrent dans la construction d’une personnalité solide, face à ce qui a été évoqué comme un phénomène de société.

Il existe un terme (encore venu des anglo-saxons) qui résume cette quête de solidité :

  • L’assertivité : terme issu de l’anglais « to assert » qui signifie s’affirmer, défendre ses droits.
  • Etre assertif, c’est communiquer de façon juste, c’est être soi-même, dire ce que l’on pense, ce que l’on veut, ce que l’on ressent sans fuir, sans agresser, sans manipuler.