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Le pansement Schubert de Claire Oppert
10 min de Schubert = 5 mg d’Oxynorm, résume le médecin chef de l’Espace des déments où la violoncelliste Claire Oppert a pris l’habitude de jouer pendant que les patients sont soignés.
L’évidence d’un soulagement radical alors qu’elle joue va la conduire à créer puis expérimenter le protocole du pansement Schubert auprès des personnes en soins palliatifs soignés à l’Espace des déments de l’hôpital Sainte-Périne à Paris. Ce protocole est encore utilisé à ce jour.
Cependant, Le pansement Schubert est avant tout un livre qui parle de la manière dont la musique suspend le temps et ouvre les cœurs. Le cœur de ceux qui sont là pour leur dernier voyage, ceux qui les accompagnent comme ils peuvent et ceux qui les soignent.
Ceux également des autistes profonds, des résidents d’Ehpad et des malades douloureux. Un « récit heureux » où la musique « se tient comme un rempart contre l’absurde, la maladie et la mort pour tenter de rejoindre la chose en dessous qui résiste (…) perception de la grâce fragile de la vie.»
Ce livre m’a bouleversée par la simplicité et la profondeur du récit. L’autrice réussit le prodige à mon sens de ne jamais basculer dans le pathos, de tenir l’équilibre de l’émotion intense mais contenue avec grâce.
Ainsi se crée un espace où le lecteur peut pleinement, avec tout son corps, participer au récit, rentrer dans l’intimité émotionnelle des patients et être touché par l’authenticité et l’humanité de ce qui se dit, de ce qui ne se dit pas mais qui est ressenti et vécu.
La musique vient remplir le silence et ces espaces de l’indicible pour faire naître la magie d’une profonde reconnexion à soi, tant par le corps qui peut enfin se relâcher et laisser s’exprimer autre chose que la douleur, que par l’esprit qui s’ouvre à d’autres dimensions dans lesquelles l’amour, la compassion, le pardon, la réconciliation peuvent se frayer un chemin.
Les notes de musique tissent les fils d’une présence à soi et aux autres qui, au-delà d’un rempart contre l’absurde finit par questionner nos modes d’être au monde et leur limite. Lorsqu’une personne dite « démente » crée une œuvre poétique et sensible alors qu’à l’extérieur le monde se fait chaos « qui est le fou, en fait » ? La question est juste posée. Reste les mots, fluides comme les notes qui s’égrènent et se déposent profondément en nous, et qui résonnent encore longtemps avoir refermé ce livre.
Diplômée du Conservatoire Tchaïkovsi de Moscou et violoncelliste internationalement reconnue, Claire Oppert est musienne-soignante. Elle intervient dans les Ehpad et en unité de soins palliatifs.
Le pansement Schubert est paru aux éditions DENOËL en 2020 et aux éditions POCHE en 2024.
par Sophie SCHANG
Sophrologue, sophrothérapeute,
Membre du CA de la SFS




