Rencontre professionnelle Juin 2024

Le rôle de la sophrologie
dans le mécanisme anxiété-confiance

Au total, ce sont 17 sophrologues qui se sont réunis autour de cette table ronde en ligne dont l’objet de discussion et de partage d’expériences portait sur les liens entre l’anxiété et la confiance rencontrés dans l’exercice de notre métier.

Nathalie Malardeau-Gauzentes et Jean-Pascal Cabrera, membres du Conseil d’Administration de la SFS ont animé les échanges qui se sont déroulés, comme à chaque rendez-vous de ce type, dans un état d’esprit toujours très positif et une convivialité qui n’enlève rien au caractère très professionnel des questions débattues.

Synthèse de la rencontre

Jean-Pascal Cabrera
Nathalie Malardeau-Gauzentes

Document

La synthèse publiée sur cette page est un résumé des échanges très riches de cette rencontre professionnelle.

Un document PDF en donne une version complète.

Introduction préalable à la synthèse des discussions

Une étude réalisée dans le sport a permis d’illustrer la thématique développée dans cette matinée. Elle portait sur l’évaluation de facteurs psychologiques comme l’estime de soi, la confiance, l’anxiété cognitive et l’anxiété somatique dans différentes disciplines équestres.

L’échantillon des sportifs participant à cette étude incluait non seulement des cavaliers (ières) de différentes disciplines mais également tous les staffs intervenant (entraineurs, grooms, vétérinaires, juges…).

L’étude révèle la corrélation directe entre estime de soi et confiance : quand l’estime est haute, la confiance l’est également et inversement.

On constate une relation inversement proportionnelle entre confiance et anxiété cognitive et/ou anxiété somatique : quand l’anxiété diminue, la confiance augmente et inversement.

Mais le plus intéressant de cette étude se trouve dans l’analyse de l’implication du corps : plus la discipline sportive sollicite une forte énergie du corps et plus l’anxiété somatique est forte avant que ne débute l’épreuve. En revanche, dès que l’épreuve a commencé, ce sont les disciplines les plus « énergétiques » qui montrent le moins d’anxiété somatique.

Cela signifie que l’anticipation d’une situation stressante implique le corps mais qu’ensuite l’effort du corps devient un « diluant » du stress.

Pour corroborer ce constat, l’étude montre que l’anxiété cognitive (la rumination de pensées défavorables) « explose » quand l’épreuve commence au niveau des « staffs » d’accompagnement.

Cela signifie que « l’impuissance du corps » à pouvoir s’exprimer dans la tâche en jeu stimule la fabrication de pensées parasites face à l’incontrôlabilité de la situation observée.

Sur la notion de confiance / anxiété vient donc se greffer le rapport au corps dans une possible ouverture au mouvement, vecteur d’accueil, de transport, d’expression et de régulation des émotions.

Voilà ce qui explique la large adhésion du monde sportif aux pratiques proposées par la Sophrologie : le corps n’est pas un élément qui s’ajoute ou qui abrite la psyché, il est la psyché.

L’anxiété en questions

Les discussions font état de diverses formes de l’anxiété que l’on peut classer en 2 groupes eux-mêmes divisés en 2 sous-groupes :

  • L’anxiété somatique qui se manifeste dans le corps.

Par exemple, des personnes ressentent une « boule » dans le ventre, une sensation « d’étau » dans la poitrine, les jambes qui tremblent, une forte sudation, la gorge sèche, le cœur qui s’emballe, des maux de tête, des nausées, etc.

  • L’anxiété cognitive qui se manifeste par des pensées.

Par exemple, des personnes vont penser qu’elles sont incapables, qu’elles ne vont pas y arriver, que cela va être trop dur, qu’elles sont « nulles », qu’on leur en veut, etc.

Un consensus de sophrologues s’accorde à définir de façon simple l’anxiété comme une peur « démesurée » en comparaison de la cause qui la provoque ; on notera toute la subjectivité contenue dans la « mesure » de cette peur.

Ce qu’il est alors pertinent de relever, c’est le degré de perturbation(s) qu’engendre cette anxiété.

L’approche du (de la) sophrologue consiste à aider la personne à établir la part des choses entre ce qui peut être favorable et ce qui ne l’est pas.

Par exemple, les manifestations de stress peuvent, dans certains cas, être utiles pour repérer un danger et s’en extraire mais dans d’autres cas, l’excès de stress peut conduire soit à une anxiété débordante où la fébrilité s’empare de la personne, soit au contraire à une totale inhibition où la personne est incapable de réagir et subit les évènements.

Dans cette approche, les discussions amènent à distinguer 2 types de manifestations de l’anxiété :

  • Une anxiété de type chronique :

Elle correspond à un trait de personnalité présent en permanence ou par moments, lié à l’histoire du sujet et/ou à sa nature profonde.

Elle peut être plus ou moins intense.

  • Une anxiété de type conjoncturel :

Elle est liée à un moment particulier, chargé émotionnellement.

Par exemple, la veille d’un examen, d’un entretien d’embauche, d’une épreuve sportive, d’une opération, etc.

 

Reflexion one line - SFS - Société de Sophrologie Française

Les angles d’approche

De nombreux cas cliniques ont été rapportés ; on retrouve des points communs dans les conduites de séances.

Face à cet aspect démesuré de l’anxiété, la réduction phénoménologique constitue une première approche.

« L’appel au corps », c’est-à-dire la mobilisation corporelle sous différentes formes, représente l’approche dominante évoquée par les sophrologues :

  • Des marches de différentes natures, qu’elles soient en pleine conscience ou en état de conscience modifiée. Une sophrologue confie que le déplacement à pied pour rejoindre son cabinet est un sas parfait de préparation pour se sentir dans les meilleures dispositions pour travailler.
  • Des mouvements qui peuvent (ou pas) provoquer des émotions qui se libèrent ; ce qui est intéressant, c’est d’entendre des témoignages qui décrivent les émotions comme génératrices du mouvement ou bien comme provoquées par le mouvement. On peut dire que cela fonctionne dans les 2 sens.

Selon les personnes, la quantité de mouvement n’est pas la même ; pour certaines personnes, une forte « agitation » du corps sera bénéfique alors que pour d’autres, une mobilisation douce du corps sera suffisante.

Ce point rappelle les fondements de la « méthode Jacobson » basée justement sur l’utilisation exacerbée de contractions pour pouvoir ressentir, par effet de contraste, ce qu’est le relâchement.

La fonction du mouvement peut même revêtir une nature « anesthésiante » à travers le témoignage d’un sophrologue qui rapporte le soulagement des douleurs d’une personne atteinte d’un cancer grâce à la marche.

Que le mouvement soit anesthésiant, défocalisant, épanouissant, évocateur ou tout simplement expression d’un corps qui vit, il représente un fondement dans le retour à l’harmonie avec soi-même.

D’ailleurs plusieurs témoignages de sophrologues font état de cette déstabilisation des personnes, qui peut conduire jusqu’à l’impossibilité de maintenir son propre équilibre (même assis !), pour lesquelles la sensation de « revivre » à nouveau pleinement son corps dans l’instant présent en dehors de toute contrainte grâce à la sophrologie est une véritable bouée de secours, un acte salvateur.

Le ressenti corporel, lorsqu’il est d’abord vécu puis verbalisé permet ce retour à soi, en prenant conscience de cette reconnexion.

Il peut arriver que des personnes ne ressentent rien ; mais « ne rien sentir » est déjà une étape de ressenti, certes au plus bas mais qui peut mettre en évidence pour le (la) sophrologue des pistes d’exploration :

  • Est-ce que tous les systèmes sensoriels fonctionnent ou pas ?…
  • Est-ce que la conscience de la personne refuse de s’ouvrir ?…
  • Est-ce que les sensations proposées, évoquées, stimulées, attendues ou pas, sont les plus pertinentes ?
  • Est-ce l’angle d’alliance le plus juste ?
  • Est-ce qu’il n’y a pas un mécanisme de résistance tapi discrètement ?

Selon les personnes, cela peut être immédiat ou prendre plusieurs mois avant de « ressentir ».

Il est évoqué le cas d’un client venu pratiquer en séance à la suite d’un infarctus et qui se cachait derrière le personnage qu’il jouait pour ne pas (se) montrer qui il était.

Oser dire ce que l’on vit et qui on est n’est pas toujours aisé et la peur d’être jugé peut créer des blocages.

Le travail en équipe

Ce travail en équipe a été fréquemment cité ; le regard pluridisciplinaire apporte beaucoup dans la prise en charge des personnes anxieuses.

Au-delà de la richesse des différents apports, il ne faut pas oublier le soutien parfois impérieux d’un·e psychiatre ou d’un·e psychologue.

Même si la sophrologie s’inscrit dans une alternative non médicamenteuse, le recours éventuel à des médicaments par un·e psychiatre peut s’avérer obligatoire pour protéger certaines personnes lorsque la situation l’impose (par exemple dans des cas de dépression sévère).

Le contexte actuel

La crise du covid a provoqué une vague d’anxiété que l’on continue à percevoir chez des personnes qui viennent consulter ; cette vague est même amplifiée par un contexte anxiogène subi dans l’actualité relayée par les médias et les réseaux sociaux.

Savoir pourquoi l’anxiété est là ne suffit pas toujours à la diminuer ; l’exemple de l’éco-anxiété illustre bien cette impuissance face aux phénomènes climatiques dont le dérèglement surligné par beaucoup de médias installe une (grande ?) partie de la population dans un sentiment d’incontrôlabilité, précurseur de l’anxiété.

Cette incontrôlabilité soulève la question du lâcher-prise : accepter de perdre le contrôle momentanément pour obtenir plus de satisfaction par la suite n’est pas évident, surtout pour des personnes qui ont vécu cette incontrôlabilité de façon récurrente et négative, c’est-à-dire sans obtention de « récompense » après coup.

On peut rencontrer le cas de personnes qui ont peur d’avoir peur et qui vont déclencher une anxiété « sans raison ».

Et la confiance dans tout ça?

Comme esquissée dans la présentation, pour le (la) sophrologue, elle commence déjà dans l’alliance.

Elle se définit comme un sentiment éprouvé de façon générale ou face à une situation.

Si l’estime de soi renvoie à la valeur que l’on s’accorde, la confiance renvoie à la capacité que l’on s’accorde.

Cette capacité est issue des expériences passées dans une sorte de « jeu intérieur de probabilités ». Plus les expériences antérieures vécues ont été favorables et plus, en principe, les probabilités favorables de déroulement présent ou à venir sont stimulées dans leurs perceptions.

À ce « jeu de probabilités favorables » s’ajoute l’orientation du « regard intérieur » ; plus une personne « regarde » ce qu’elle a raté et moins elle aura confiance.

Plus une personne regarde ce qu’elle a réussi et plus elle sera en confiance.

La confiance a donc besoin d’être stimulée, et cela de plusieurs façons :

  • en prenant conscience de toutes ses ressources, qu’elles soient physiques, émotionnelles, cognitives ou sociales.
  • en faisant appel aux représentations mentales (par exemple les « visualisations ») : certaines pratiques issues des futurisations ou des sophromnésies peuvent aider à cette stimulation.

La confrontation à un « défi mesuré et raisonnable » peut selon les personnes et les situations, servir de désensibilisation au désagréable par l’espoir nourri d’un succès à venir dont le déroulement a été mémorisé.

Pour cela, la notion de répétition joue un rôle primordial : plus la personne « s’entraîne » et plus elle développe la capacité à ressentir la confiance.

On retrouve dans cet aspect la notion de défi plus ou moins important, c’est-à-dire l’aptitude à réaliser une chose TRÈS légèrement supérieure à ce que l’on sait déjà réaliser.

En se lançant des défis (ajustés et « raisonnables »), on favorise le renforcement de l’estime de soi, comme une sorte de petits paliers qui élèvent une forme de fierté de soi-même.

Liée à la confiance, l’affirmation de soi est citée comme facteur favorisant l’émergence de la confiance.

Cette confiance pourra se manifester aussi bien dans la psyché que dans le corps.

Deux paramètres vont réguler ce rapport anxiété / confiance :

  • l’intensité de l’anxiété face au degré de confiance
  • la temporalité liée à la prise en charge : dans un travail recouvrant pour un résultat ciblant plutôt le court terme, ou dans un travail découvrant porté sur du plus long terme.

Conclusion

Une question s’est dessinée progressivement au fil des discussions : est-ce que l’on apprend vraiment aux enfants à stimuler leur confiance, à renforcer leur estime de façon positive pour eux-mêmes et pour les autres ?

La « tête » est souvent privilégiée aux dépens du corps et l’anxiété peut en devenir un mode d’expression.

Ces deux grands thèmes de cette matinée de réflexions « anxiété et confiance » sont inhérents à la vie de l’être humain et aussi aux sophrologues en exercice.

En ayant chacun des vécus à ce sujet, nous n’avons pas eu le temps d’approfondir la question vers les sophrologues. Néanmoins c’est par ce biais l’occasion de redire l’importance dans l’exercice de notre métier, de nos introspections, de nos partages lors de réunions comme les matinées professionnelles organisées par la SFS et toute la place de la supervision à intégrer à notre pratique.

On peut nourrir la conviction que nos cabinets laissent grandes ouvertes les portes de la réharmonisation de l’être ; nos rencontres professionnelles, par leur dynamisme, leur richesse, leur constance et leur esprit de partages sont une manifestation bien vivante et bienveillante de cet état d’esprit.

Nous restons à l’écoute de toutes les propositions de thèmes, de toute idée qui pourrait faire progresser le fond ou la forme de ces rencontres.

Merci à toutes et tous pour votre présence et votre participation.