Rencontre professionnelle septembre 2023

Sophrologie et cohésion familiale

Une nouvelle demi-journée professionnelle en ligne a réuni 12 sophrologues dans des échanges portant sur nos pratiques, nos expériences, nos questionnements, nos réussites ou nos difficultés autour de ce thème proposé par la Société Française de Sophrologie.

Nathalie Malardeau-Gauzentes et Jean-Pascal Cabrera, membres du Conseil d’Administration de la SFS ont co-animé les débats, rejoints par Sophie Schang également membre du Conseil d’Administration.

Le webinaire s’est conclu par la synthèse de notre fidèle rapporteuse Corinne Goffaux-Dogniez.

Les échanges s’y sont déroulés dans une très belle vivance dynamique et ouverte, chaleureuse et conviviale.

Notons que les participants étaient « tous »… des participantes ! (Jean-Pascal était bien entouré).

Synthèse de la table-ronde

Animateurs
Jean-Pascal Cabrera
Nathalie Malardeau-Gauzentes
Rapporteure
Corinne Goffaux-Dogniez

Document

La synthèse publiée sur cette page est un résumé des échanges très riches de cette rencontre professionnelle.

Un document PDF en donne une version complète.

Introduction préalable à la synthèse des discussions

L’éclatement des familles dans notre société peut être interprété et traduit de plusieurs manières, en fonction du contexte culturel, économique, social et politique.

Cet éclatement se manifeste de plusieurs façons :

  • Structures familiales diversifiées: les familles d’aujourd’hui sont plus diversifiées qu’auparavant. Outre les familles nucléaires « traditionnelles », il y a maintenant des familles recomposées, des familles sans enfant, des familles homoparentales, des familles d’adoption.
  • Mobilité géographique: l’augmentation de la mobilité géographique pour des raisons d’emploi ou d’éducation signifie que les membres de la famille peuvent être dispersés dans différents pays ou régions, ce qui peut affaiblir les liens familiaux.
  • Communication virtuelle: même si la technologie facilite la communication, elle a aussi transformé la nature des interactions. Les membres de la famille peuvent être plus enclins à communiquer via les réseaux sociaux ou les applications de messagerie qu’en face à face.
  • Valeurs individuelles: l’accent mis sur l’individualisme dans certaines sociétés peut parfois créer un écart entre les générations et peut conduire à un affaiblissement des liens familiaux.
  • Divorce et séparation: les taux de divorce ont augmenté dans de nombreuses régions du monde, entrainant des familles fractionnées et des dynamiques familiales complexes.
  • Pressions économiques: la nécessité pour les 2 parents de travailler, les horaires de travail chargés et le stress financier peuvent tous contribuer à réduire le temps et la qualité passée en famille.
  • Changements normatifs: les perceptions traditionnelles du rôle de genre, de la parentalité et du mariage ont évolué, ce qui a conduit à une diversité de structures et de dynamiques familiales.
  • Problèmes sociaux: les problèmes tels que la dépendance, la maladie mentale, la pauvreté et le chômage peuvent également mettre à rude épreuve les familles et entrainer leur éclatement.
  • Systèmes de soutien: dans certaines sociétés, le système de soutien traditionnel fourni par la famille élargie s’affaiblit, ce qui peut augmenter la vulnérabilité des individus face aux crises.
  • Questions légales et politiques: dans certains pays, les lois et les politiques ne déterminent pas toujours la cohésion familiale. Par exemple, les politiques d’immigration restrictives peuvent séparer les familles pendant de longues périodes.

Il est important de noter que l’éclatement des familles n’est pas nécessairement négatif dans tous les cas. Parfois, cela peut conduire à des relations plus saines ou à des structures familiales qui sont plus en phase avec les besoins et les désirs des individus. Cependant, la clé est de reconnaitre les défis qui se présentent et de trouver des moyens de soutenir la famille sous toutes ses formes dans la société contemporaine.

Débats

La famille traditionnelle en tant que schéma unique est un modèle qui a traversé quelques siècles.

À partir des années 1940-1950, de nouvelles mouvances ont vu le jour en matière de schéma familial : situations différentes, divorces, personnes homosexuelles, familles recomposées…

Actuellement, par rapport à cette décennie de début de changement, nous en sommes à la troisième ou quatrième génération.

Cette remise en question de la famille a abouti à l’éclatement du modèle traditionnel, l’apparition de situations nouvelles, des situations et des questionnements nouveaux, des conceptions différentes.

Citons par exemple les familles « genrées », monoparentales, en situation d’immigration…

Comment ces nouveaux modèles sont-ils vécus ?

Sont-ils forcément chaotiques ou, au contraire sont-ils parfois plus sains que les autres ?

Quel fonctionnement, quel questionnement, quel accompagnement, quelle communication nous amènent ces nouvelles familles qui se présentent à notre cabinet de sophrologue avec une demande directement liée à leur situation familiale ?

Comment les jeunes en 2023 se positionnent-ils lorsqu’ils souhaitent avoir eux-mêmes des enfants ?

Un livre est cité en référence : « Quand la famille s’emmêle » de Serge Hefez.

Ce thème de la Cohésion Familiale et les spécificités qu’il présente, propres à notre époque, en font un sujet de film assez fréquent.

 

20 points de débats ont marqué les discussions, nous vous proposons un regroupement des thèmes évoqués :

Quel accompagnement pour le (la) sophrologue ?

La première question qui se pose au (à la) sophrologue, c’est de savoir s’il faut accompagner chacun des parents ou bien les enfants.

C’est un positionnement qui s’appuie sur le besoin de comprendre la situation ; les avis sur le sujet se partagent entre le travail avec les 2 parents et un travail dissocié avec les parents conjointement avec un(e) autre sophrologue ou thérapeute.

Travailler séparément sur chaque parent pour ensuite les réunir avec l’enfant est une solution intéressante.

L’accompagnement est envisagé en systémie, par un travail en réseau bénéficiant de la synergie d’une équipe.

On remarque que le travail sur les parents est important car ce n’est pas forcément l’enfant qui est l’origine du problème alors que dans la plupart des cas, un rendez-vous est pris parce que la « face visible » du problème, c’est l’enfant (problèmes à l’école, harcèlement, conflits, TDAH, etc..).

Il est donc important de bien cadrer (voire de recadrer !) la demande initiale émise par les parents.

La cohésion de la relation parentale

Dans les premières années, la relation de la maman à son bébé joue un rôle capital ; la grossesse constitue une période de préparation à l’ouverture de cette « nouvelle » relation à venir.

L’exemple d’un couple de femmes venu dans l’accompagnement d’une PMA illustre bien cette prise en compte d’une préparation anticipant la naissance.

Des expériences de parents en groupe montrent le rôle joué par la richesse des inter-relations et l’émergence de la prise de conscience qui permet un regard nouveau porté sur l’enfant au cours des séances.

La sophrologie ludique est régulièrement citée comme « technique d’approche » accessible pour tous.

L’exemple d’une expérience est cité portant sur un projet avec des enfants et des adolescents : rapprochement des corps et des cœurs où la RDC1 s’enrichit de certaines formes de contacts adaptés.

Remarque : la relation concerne certes la famille mais également le (la) sophrologue dans sa séance.

La matinée a consacré beaucoup de temps de paroles, d’échanges et d’axes de réflexion autour de la famille en tant que cellule parents/enfants.

Il est important de préciser que la famille s’étend aussi sur l’axe parents/enfants/grands-parents, voire arrière-grands-parents et que les repères et influences de perturbations se retrouvent sur les différentes générations : souffrance de la personne d’une génération grands-parents « isolée », repères et fonctionnement familiaux en mutations aussi (des grands-parents qui divorcent ou se remarient…), les personnes très âgées isolées.

Le (la) sophrologue peut être aussi amené à recevoir ces problématiques comme les personnes travaillant dans des institutions comme l’Ehpad.

Le burn-out parental

L’ouvrage d’Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak (Le burn-out parental, l’éviter et s’en sortir) décrit parfaitement l’injonction d’être un « bon » parent, cette valeur qui se retourne contre soi.

Inspirée de cette lecture, une expérience est rapportée : elle porte sur la création d’un protocole original de prévention de ce burn-out corrélé à une période de vie (professionnelle, sociale…).

En s’appuyant sur les chiffres de 8 % de personnes en burn-out parental et 13 % de personnes « à risque », l’idée est d’agir en amont sur les personnes à risques sous l’angle d’être « bien soi-même » ; un effet recherché est la déculpabilisation.

Dans la pratique, le projet s’articule autour de groupes fermés limités à 10 personnes dont l’objectif fixé est de prendre soin de soi.

Autour de cette idée de burn-out parental, le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez propose, dans son ouvrage « Quand la famille s’emmêle » une grille de compréhension du mécanisme de « télescopage » entre les contraintes ancestrales et les nouveaux idéaux d’amour et de bonheur revendiqués par les générations actuelles mais qui occasionnent des évolutions parfois paradoxales, voire étouffantes, en tout cas créant des liens enchevêtrés complexes.

Dans ce télescopage, la famille révèle souvent une implantation sur plusieurs générations et la peur s’engendre sur cette complexité. L’une des premières approches est de proposer une ouverture des perceptions sur fond de « non jugement » : porter un regard plus large.

Remarque : la crise du Covid a montré à la fois une dégradation des rapports familiaux due au confinement, source de conflits liés à une vie en permanence « les uns sur les autres », et en même temps une joie de se retrouver ensemble.

Une pratique de « remédiation cognitive » est citée en complément du travail sophrologique, offrant la possibilité de toucher un public plus large.

Cette place des parents soulève la question du parent qui ne vient pas, de celui qui vient en « caution » pour l’autre, ou qui s’investit trop dans son (ses) enfant(s).

L’enfance

L’expérience montre également que les demandes portent sur un public de plus en plus jeune.

Sur le public adolescent, il est rapporté les résultats encourageants de l’art-thérapie.

Il est rapporté que dans les ¾ des situations, ce sont les parents, qui ont déjà pratiqué la sophrologie, qui amènent leurs enfants (qui, eux, n’ont jamais pratiqué).

Cela pose la question de l’âge des enfants dans une séance de sophrologie.

Sur des expériences rapportées à partir de différentes catégories d’âge, il est utile de savoir que chez les « tout-petits » (maternelle, CP, CE1), l’intention sophrologique des pratiques est absente en raison des motivations extrinsèques qui animent ces catégories.

Les enfants organisent un désir axé sur un résultat à obtenir plus ou moins guidé par l’adulte pour ne pas dire téléguidé ; la sophrologie ludique constitue une approche intéressante, accessible, « grand public », préparatoire mais incomplète. Sur cette tranche d’âge, on peut parler d’éveil psychocorporel.

Sur la tranche d’âge des jeunes (CE2, CM1, CM2, 6e), la motivation intrinsèque commence à se mettre en place ; elle autorise des exercices plus profonds en termes de prise de conscience, de verbalisation et d’expression phénoménologique. Le vocabulaire tient une place prépondérante ce qui peut surligner parfois un problème de manque de nuances.

Sur la tranche d’âge pré-adolescents et adolescents, cette motivation intrinsèque est installée mais avec l’influence du système hormonal qui bouleverse les comportements émotionnels donnant des comportements très disparates mais très intéressants du point de vue de la sophrologie puisque ce public est apte à se rendre compte de ses comportements parfois excessifs, utopiques, bloqués ou en contradiction avec leurs propres motivations sous l’effet, entre autres, du groupe. Les réseaux sociaux en sont un vibrant écho…

La parole en question

On se rend compte souvent du manque d’espace de parole au sein de la famille, le besoin d’être écouté devant l’enfant.

Parfois les adultes souhaitent être seuls en séance, parfois c’est l’enfant.

Cette aspiration à vouloir être seul en séance cache la crainte du regard de l’autre et du jugement qui stigmatise.

L’objet est de réinventer sa famille en acceptant son originalité.

Les mots utilisés sont importants ; exemple : le beau-père (ou la belle-mère) qui peut être le père (ou la mère) d’un marié ou le nouveau conjoint d’un des 2 parents d’un enfant.

La médiation

Il est rapporté une augmentation des hospitalisations pour problème de genre (en forte évolution), pour tentatives de suicide, scarifications… Les vécus sont très éclatés.

Dans ces expressions de mal-être profond, le rôle du (de la) sophrologue peut glisser sur le terrain de la médiation ; il est important alors de clarifier les discussions pour faire émerger LA demande.

L’expérience montre que si un parent est seul, la demande n’est pas la même au cours de l’anamnèse.

Conclusion

Cette matinée riche en discussions professionnelles a montré l’immense sujet soulevé par cet éclatement familial.

Si des questions passionnantes ont été abordées, il reste encore beaucoup d’autres sujets sur cette question principale.

L’essentiel est que les échanges aient pu enrichir le groupe en partageant des expériences, des questions, des réponses, des points de vue.

C’est tout l’esprit de la Société Française de Sophrologie qui cherche à rester au plus près du terrain tout en intégrant les évolutions inéluctables (et souhaitables) liées à notre discipline.

Merci à toutes et tous pour ce beau moment de mise en commun, et au plaisir de vous retrouver à la prochaine Journée Professionnelle de la Société Française de Sophrologie.

Un prochain calendrier de rencontres professionnelles sera proposé à l’issue de notre Assemblée Générale annuelle dans le courant du mois de janvier 2024.

Prenez bien soin de vous.